Buffon un naturaliste au Siècle des Lumières

La fascination qu’a exercée le naturaliste sur ses biographes occulte parfois la réalité sans doute plus pragmatique du personnage.  Notre connaissance de la personnalité et de la vie de Buffon repose essentiellement sur les témoignages de Nadault de Buffon qui écrit au XVIIIe siècle ses Mémoires pour servir l’histoire de la ville de Montbard dont le texte sera publié au XIXe siècle (1881). Des récits de voyageurs ayant côtoyé le grand homme, comme Hérault de Séchelles dans son Voyage à Montbard (1785) nous apportent également des précisions plus intimes. Néanmoins, ces sources sont à considérer avec beaucoup de retenue. C’est l’historien des sciences Jacques Roger qui a posé les bases du travail d’analyse de la vie et l’œuvre de Buffon. L’édition raisonnée conduite par l’historien des sciences Stéphane Schmitt en collaboration avec Cédric Crémière, éditée par Champion, apparaît aujourd’hui comme une référence scientifique incontournable sur le sujet de l’histoire naturelle. C’est au cœur même de l’œuvre du naturaliste des Lumières que réside l’approche la plus juste de sa pensée en constante évolution.

Les célébrations liées au bicentenaire de la mort de Buffon en 1988 et au tricentenaire de sa naissance en 2007 ont également permis de faire le point sur les apports de Buffon aux sciences naturelles modernes et d’initier, à Montbard, dans sa ville natale, une politique volontariste de restauration du patrimoine légué  par le célèbre naturaliste : un hôtel particulier, une orangerie, des écuries et remises et un parc de 5 hectares. Un ensemble classé Monument Historique dont la mise en valeur et l’entretien incombe à la ville de Montbard, propriétaire des lieux depuis 1885.

Ce sont enfin les dernières études historiques et archéologiques menées en 2015 et 2016 qui  apportent un nouvel éclairage et des précisions à la fois sur la vie personnelle de Buffon et les liens très étroits qui rapprochent le Parc Buffon de la ville de Montbard du Jardin des Plantes de Paris, autrefois Jardin du Roy et actuel Muséum national d’Histoire naturelle. Ces études menées dans le cadre du projet de rénovation du Parc Buffon ont permis d’asseoir historiquement le chantier de rénovation du site dont l’ambition est de  faire souffler à nouveau l’esprit de Buffon sur l’ensemble du patrimoine bâti de la ville.

 

Repères biographiques
Les années fondatrices

 

1730-1731. Buffon voyageur
1733. De la réflexion à la pratique
1733. La reconnaissance
Une vie entre Paris et Montbard
Le tournant de 1739 : Buffon, Intendant du Jardin du Roi
Le Jardin du Roy

L’Histoire Naturelle, générale et particulière, avec la description du Cabinet du Roi (1749-1804)
L’Histoire Naturelle, générale et particulière, avec la description du Cabinet du Roi / (1749-1767)
L’Histoire Naturelle des Oiseaux (1770-1783)
L’Histoire Naturelle des Minéraux (1783-1788)

Suppléments à l’Histoire Naturelle, générale et particulière (1774-1789)
L’Histoire Naturelle des Quadrupèdes ovipares et des Serpents (1788-1789)
L’Histoire Naturelle des Poissons (1798-1803)
L’Histoire Naturelle des Cétacés (1804)
Les trois premiers tomes (1749-1753)
Réception critique des premiers volumes
1739-1753. En marge de l’Histoire Naturelle
Naissance de l’anatomie comparée
1767. Buffon entrepreneur
Le comte de Buffon
Conclusion

Repères biographiques
Les années fondatrices

Fils de Benjamin-François Leclerc et Anne-Christine Marlin, Georges-Louis Leclerc naît à Montbard le 7 septembre 1707. Celui qui deviendra son collaborateur le plus éminent, Louis-Jean-Marie Daubenton, naît quelques années plus tard, le 29 mai 1716. La ville de Montbard est un centre administratif (elle est toujours sous-préfecture de la Côte-d’Or).
Sa topographie est particulièrement marquée par la butte rocheuse creusée par la rivière, la Brenne. Ce promontoire qui accueille dès le XIe siècle le château des seigneurs de Montbard, abrite encore au XVIIIe siècle les vestiges de l’ensemble castral agrandi par les ducs de Bourgogne au XIVe siècle.

La famille Buffon change de statut lorsqu’en 1714, Anne-Christine Marlin hérite de son oncle Georges Blaisot, maître à la chambre des comptes de Chambéry. Quelques mois plus tard, le jeune Georges-Louis devient également bénéficiaire d’une donation faite par Jeanne Paisselier, veuve de Georges Blaisot. Ces contrats de rente s’élèvent à 78.000 livres. Benjamin-François acquiert la terre de Buffon, un petit village à quelques kilomètres au Nord de Montbard ainsi que les droits seigneuriaux de la châtellenie de Montbard. En 1720, ce dernier achète la charge de « Conseiller au Parlement de Bourgogne ». La famille Leclerc quitte Montbard pour Dijon.

Le jeune Georges-Louis y fréquente le collège des Godrans puis, à partir de 1723, la Faculté de Droit. Il en sort en 1726 et décide d’abandonner le droit et la magistrature pour se consacrer aux sciences. On sait par sa correspondance qu’à partir de 1727 il  soumet ses questionnements mathématiques à Gabriel Cramer (1704-1752), et qu’à Dijon il partage son logement avec Alexis Clairaut (1713-1765), jeune prodige en mathématiques et adjoint mécanicien à l’Académie des Sciences. En 1728, il part pour Angers, étudie les plantes médicinales et suit quelques cours à la Faculté de médecine.

1730-1731 – Buffon voyageur

A partir de novembre 1730, Buffon entame un long périple à travers la France. Ce voyage, engagé par amitié pour le duc de Kingston n’est pas dénué de curiosité, ni d’érudition. Buffon, durant l’ensemble de son périple entretient en effet une correspondance soutenue avec certaines personnes éclairées de son temps. Présent à Bordeaux en janvier 1731, il visite ensuite Montauban, Toulouse, Carcassonne, Béziers, Narbonne… Ses pas le conduisent ensuite à Montpellier où il se trouve encore au début du mois d’avril 1731. Il se serait ensuite rendu à Lyon en mai.

Il rentre à Dijon en juillet 1731 pour assister aux derniers instants de sa mère Anne-Christine Marlin. Il est à Paris en juillet 1732 et loge chez Gilles-François Boulduc, premier apothicaire du roi, professeur au Jardin du Roi et membre de l’Académie royale des sciences. Guidé par ses proches, il commence à fréquenter l’Académie des Sciences et y rencontre, entre autres personnalités, Jean-Frédéric Phélypeaux de Maurepas, Réaumur et Duhamel du Monceau. C’est à cette époque que Georges-Louis signe désormais « Leclerc de Buffon ».

1733. De la réflexion à la pratique

L’année 1733 est marquée par une rencontre décisive avec le comte de Maurepas, secrétaire de la Maison du Roi et du département de la Marine, ministre de tutelle de l’Académie des Sciences qui confie secrètement à Buffon, avant même son entrée à l’Académie des Sciences, de mener des expériences sur la résistance des bois.

Épuisées par les guerres de Louis XIV, les caisses de l’État sont vides et la dette immense. La flotte française est exsangue. Pour construire de nouveaux bateaux, il faut du bois. La seule construction d’un vaisseau de haut bord nécessite l’abattage de trois mille chênes centenaires. Mais là encore, le constat est catastrophique. Car faute d’avoir su gérer ses forêts, le royaume de France se trouve confronté à une crise forestière profonde, durable et croissante, qui suscite de très vives inquiétudes parmi les autorités.

A cette époque, Buffon possède de l’argent et des terres. En effet, lorsqu’en juin 1732, Louis Leclerc, grand-père de Buffon rédige son testament, il institue pour seul héritier son unique fils Benjamin-François. Mais l’attitude de ce dernier, qui projette, dès août 1732, un an après le décès de son épouse, de se remarier avec Antoinette Nadault, une jeune femme de 22 ans, ne plaît visiblement pas au chef de famille.
Louis se tourne définitivement vers son petit-fils Georges-Louis à qui il donne l’ensemble de ses biens en février 1733.

Buffon s’attaque alors à ses premiers travaux de sylviculture.
Il sème des graines dans différents sols pour déterminer quels terrains conviennent le mieux aux différentes espèces, écorce des arbres sur pied avant de les couper pour voir si ce procédé augmente la solidité du bois… et observe les résultats dans ses forêts, qu’il considère non plus comme une collection d’arbres, mais comme une entité en soi, un ensemble où les individus entretiennent des relations particulières entre eux. En un mot, Buffon expérimente, ce qu’il ne cessera de faire toute sa vie car « la seule et vraie science est la connaissance des faits. ».

Ce n’est qu’une fois libéré du poids familial, sous l’œil bienveillant de son aïeul, doté de sa fortune, et maître de ses terres, que Buffon peut enfin prendre son envol intellectuel.

1733. La reconnaissance 

Le naturaliste, secrètement soutenu par le ministre Maurepas, bénéficie aussi du soutien de ses pairs : le 25 avril 1733, le mathématicien Clairaut présente à ses confrères académiciens un mémoire que Buffon a écrit sur le « jeu du Franc-carreau ».  Le rapport qui en suit (6 mai 1733), écrit conjointement par Clairaut et Maupertuis est élogieux, marquant ainsi une première reconnaissance officielle. Quelques mois plus tard, le 25 novembre 1733, Buffon lit à l’Académie un Écrit de géométrie (une réflexion autour du fil à plomb). Ces premiers travaux autour des calculs de probabilité sont encore reconnus de nos jours.

Le 28 décembre 1733, Buffon est nommé adjoint-mécanicien. Le terme de mécanique n’a pas la définition que l’on en fait aujourd’hui. Au XVIIIe siècle, un mécanicien est un mathématicien spécialisé en physique mathématique : analyse, mécanique rationnelle (au sens de l’étude du mouvement). Quant au géomètre, c’est à l’époque un mathématicien confirmé.

Les données connues jusqu’alors concernant l’entrée et la progression de Buffon au sein de l’Académie des Sciences n’étaient pas des plus claires : comment un mathématicien avait-il fini par devenir pensionnaire en botanique ?

A la lumière de ce que l’on sait désormais sur son engagement auprès de la Marine, cette progression parait plus cohérente. Missionné par Maurepas, Buffon commence sans doute par mettre ses compétences mathématiques au service de la Marine sous forme de calculs bruts. Ce n’est qu’une fois rentré en possession de son héritage et de ses terres qu’il se lance alors dans l’expérimentation. Grand connaisseur de la langue anglaise, Buffon connaît bien les écrits contemporains et entreprend dès 1734 la traduction française de Hales sur la Statique des végétaux.  

Une vie entre Paris et Montbard

A partir de février 1733, le naturaliste quitte sa demeure paternelle de Dijon pour Montbard, où il réside dans la maison de son grand-père. L’hôtel particulier n’a cependant pas encore l’aspect qu’on lui connaît aujourd’hui. Buffon, sur le modèle des hôtels particuliers parisiens, ne cessera d’embellir l’édifice en achetant tout au long du XVIIIe siècle nombre de petits bâtiments situés à proximité de sa propriété pour l’agrandir progressivement.

L’hôtel de Buffon est en tous cas suffisamment habitable et prestigieux pour qu’entre novembre et décembre 1741, on le juge digne d’y loger l’ambassadeur de Turquie, qui, se rendant à la cour de France, passe par Montbard.

A partir des informations contenues dans sa correspondance, les actes de notaires trouvés aux Archives Départementales de la Côte d’Or, à la Bibliothèque de l’Institut ou encore d’une partie des procès-verbaux de l’Académie des Sciences, il est possible de suivre l’agenda de Buffon quasiment au jour près lors de ses séjours parisiens.

On connaît également les dates des mariages, naissances et décès familiaux, ainsi que des rhumes et maux de tête de Buffon, prétextes souvent utilisés par le naturaliste pour préserver son intimité de trop fréquentes visites extérieures. Ces indispositions lui permettaient également de se soustraire à ses obligations lorsque les situations lui semblaient complexes !

Concernant ses voyages, l’agenda apporte quelques précisions. Il semblerait ainsi, contrairement à une idée reçue, que Buffon puisse, dans certains cas, effectuer très rapidement le trajet Paris-Montbard.
Buffon gère visiblement son emploi du temps librement, rejoignant Montbard au gré de ses envies ou besoins. L’homme y apparaît en tous cas moins « régulier » et prévisible qu’on ne le pensait jusqu’alors.

Le tournant de 1739 : Buffon, Intendant du Jardin du Roi

Toujours adjoint mécanicien à l’Académie, il manque à Buffon l’occasion de s’affirmer dans une situation importante.
Au printemps 1739, la carrière de Buffon prend soudain une tournure nouvelle. Il est transféré dans la section botanique le 18 mars. Huit jours plus tard, un pensionnaire botaniste meurt. Jussieu est nommé « adjoint », Buffon « associé ». Le 16 juillet 1739, Charles de Cisternay du Fay, Intendant du Jardin du Roi, meurt de la petite vérole. La candidature de Buffon est présentée au Roi le 25 juillet, et le lendemain, Buffon est nommé. Il a 32 ans et obtient l’une des plus hautes situations scientifiques de la France de Louis XV. Beaucoup d’académiciens sont scandalisés. Le succès de Buffon est attribué à la seule faveur du ministre Maurepas.

Le Jardin du Roy

Le « Jardin royal des Herbes Médicinales », devenu en 1793 Muséum national d’Histoire naturelle est, après le Collège royal (Collège de France), la plus ancienne institution scientifique créée par la monarchie (en 1635 par Richelieu). L’édit de création précise : « (…) voulons que dans le cabinet de ladite maison il soit gardé un échantillon de toutes les drogues tant simples que composées, ensemble toutes choses rares en nature qui s’y rencontreront ». Ainsi est créé le « Cabinet du Roi ».

La direction du Jardin du Roi ne détourne que très progressivement Buffon de ses activités académiques. Il écrit à cette époque son fameux mémoire sur le « miroir ardent », un dispositif qu’Archimède aurait utilisé pour enflammer les vaisseaux ennemis lors du siège de Syracuse. Ce procédé très ancien permet en effet de concentrer les rayons du soleil grâce à plusieurs miroirs concaves qui peuvent ainsi brûler une cible définie.

Buffon réalise des expériences concluantes. Au-delà des problèmes d’optique, Buffon s’intéresse surtout aux rapports entre la lumière et la chaleur. Il fait plusieurs démonstrations publiques du pouvoir de ses miroirs ardents. L’une est organisée au château de la Muette en présence du Roi lui-même.

Buffon s’attelle avec vigueur dès son arrivée au Jardin du Roi à la réorganisation et l’enrichissement du Cabinet d’Histoire Naturelle. En 1745, il nomme Louis-Jean-Marie Daubenton (médecin de Montbard) « Garde et démonstrateur du Cabinet d’Histoire Naturelle ». C’est à lui qu’incombera de mettre de l’ordre dans les collections.

Buffon développe également son réseau de correspondants en créant un brevet de « Correspondant du Jardin du Roi », titre honorifique qu’il ne distribue qu’à bon escient mais qui incite les voyageurs à récolter et envoyer les spécimens (animaux et plantes) rencontrés lors des grandes expéditions.

Mais sa tâche principale, c’est l’écriture d’un inventaire des collections du Cabinet du Roi qui prend rapidement la forme d’une œuvre bien plus ambitieuse : l’Histoire Naturelle, générale et particulière. Il lui faudra dix ans de travail avant que les trois premiers volumes paraissent en 1749.

L’Histoire Naturelle, générale et particulière, avec la description du Cabinet du Roi / (1749-1804)

 

L’Histoire Naturelle, générale et particulière, avec la description du Cabinet du Roi / (1749-1767)

Tome I : Premier Discours – De la manière d’étudier et de traiter l’histoire naturelle, Second Discours – Histoire et théorie de la Terre, Preuves de la théorie de la Terre, 1749
Tome II : Histoire générale des Animaux, Histoire naturelle de l’Homme, 1749
Tome III : Description du cabinet du Roi, Histoire naturelle de l’Homme, 1749
Tome IV (Quadrupèdes I) : Discours sur la nature des Animaux, Les Animaux domestiques, 1753
Tome V (Quadrupèdes II), 1755
Tome VI (Quadrupèdes III), Les Animaux sauvages, 1756
Tome VII (Quadrupèdes IV), Les Animaux carnassiers, 1758
Tome VIII (Quadrupèdes V), 1760
Tome IX (Quadrupèdes VI), 1761
Tome X (Quadrupèdes VII), 1763
Tome XI (Quadrupèdes VIII), 1764
Tome XII (Quadrupèdes IX), 1764
Tome XIII (Quadrupèdes X), 1765
Tome XIV (Quadrupèdes XI), Nomenclature des Singes, De la dégénération des Animaux, 1766
Tome XV (Quadrupèdes XII), 1767

 

L’Histoire Naturelle des Oiseaux (1770-1783)

Tome XVI (Oiseaux I), 1770
Tome XVII (Oiseaux II), 1771
Tome XVIII (Oiseaux III), 1774
Tome XIX (Oiseaux IV), 1778
Tome XX (Oiseaux V), 1778
Tome XXI (Oiseaux VI), 1779
Tome XXII (Oiseaux VII),1780
Tome XXIII (Oiseaux VIII), 1781
Tome XXIV (Oiseaux IX), 1783

 

L’Histoire Naturelle des Minéraux (1783-1788)

Tome XXV (Minéraux I), 1783
Tome XXVI (Minéraux II), 1783
Tome XXVII (Minéraux III), 1785
Tome XXVIII (Minéraux IV), 1786
Tome XXIX (Minéraux V), Traité de l’Aimant et de ses usages, 1788

 

Suppléments à l’Histoire Naturelle, générale et particulière (1774-1789)

Tome XXX (Suppléments I) : Servant de suite à la Théorie de la Terre, et d’introduction à l’Histoire des Minéraux, 1774
Tome XXXI (Suppléments II) : Servant de suite à la Théorie de la Terre, et de préliminaire à l’Histoire des Végétaux – Parties Expérimentale & Hypothétique, 1775
Tome XXXII (Suppléments III) : Servant de suite à l’Histoire des Animaux quadrupèdes, 1776
Tome XXXIII (Suppléments IV) : Servant de suite à l’Histoire Naturelle de l’Homme, 1777
Tome XXXIV (Suppléments V) : Des Époques de la nature, 1779
Tome XXXV (Suppléments VI) : Servant de suite à l’Histoire des Animaux quadrupèdes, 1782
Tome XXXVI (Suppléments VII) : Servant de suite à l’Histoire des Animaux quadrupèdes, 1789

 

L’Histoire Naturelle des Quadrupèdes ovipares et des Serpents (1788-1789)

Tome XXXVII (Reptiles I) : Histoire générale et particulière des Quadrupèdes ovipares, 1788
Tome XXXVIII (Reptiles II) : Histoire des Serpents, 1789

 

L’Histoire Naturelle des Poissons (1798-1803)

Tome XXXIX (Poissons I), 1798
Tome XXXX (Poissons II), 1800
Tome XXXXI (Poissons III), 1802
Tome XXXXII (Poissons IV), 1802
Tome XXXXIII (Poissons V), 1803

 

L’Histoire Naturelle des Cétacés (1804)

Tome XXXXIV (Cétacés), 1804

 

Les trois premiers tomes (1749-1753)

Les trois premiers volumes de l’Histoire Naturelle paraissent en 1749. On ignore quand Buffon prend concrètement la décision de rédiger son Histoire Naturelle, – probablement très tôt après sa nomination au Jardin du Roi. Concernant sa méthode de travail, les indices sont minces. Des assistants lui préparaient très certainement des résumés d’ouvrages à partir desquels Buffon pouvait construire ses théories qu’il vérifiait de manière expérimentale. Buffon confie également une partie des textes à des co-auteurs : Guénaud de Montbeillard, l’abbé Bexon… Buffon, qui avait peur de s’ensevelir sous les papiers, a légué peu de manuscrits préparatoires à l’Histoire naturelle. Les rares documents conservés à la Bibliothèque centrale du Muséum national d’Histoire naturelle sont passionnants en ce sens et montrent à la fois les très nombreux allers-retours avec les co-auteurs de l’ouvrage mais aussi les ratures, réécritures et écarts existants entre les documents manuscrits et les textes imprimés.

Au mois d’octobre 1749, le Journal des Savants annonce au public le projet de Buffon : une histoire naturelle en quinze volumes, complète, des animaux à l’homme. Il est précisé que l’ouvrage sera fait « suivant les vues et par les ordres de M. le comte de Maurepas ».

Sur la page de titre, deux anges soufflant dans les trompettes de la Renommée soutiennent un globe orné de trois fleurs de lys et surmonté de la couronne royale.
Au-dessus du titre, l’adresse « A Paris, De l’Imprimerie Royale », confère au livre le caractère d’une publication officielle.

Réception critique des premiers volumes

Les trois premiers volumes de l’Histoire Naturelle sont un succès immédiat. Le premier tirage  (imprimé aux frais du Roi) est épuisé en six semaines. Nous ne connaissons pas le nombre exact d’exemplaires publiés au premier tirage. Les historiens l’évaluent entre 500 et 1000. Le succès de l’Histoire Naturelle se maintiendra tout au long de la publication de l’œuvre.
Il est l’ouvrage le plus répandu du XVIIIe siècle, devant l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert.

Les réactions sont très divisées. Beaucoup soulignent les faiblesses scientifiques de l’œuvre pour en ruiner la portée philosophique. En présentant les vérités mathématiques comme le produit de l’esprit humain, les vérités physiques comme seulement probables, et les vérités morales comme de simples conventions, Buffon affiche un scepticisme absolu.

La Sorbonne, c’est-à-dire la Faculté de Théologie de Paris, se devait de s’emparer de ce cas litigieux (même si en principe la censure des livres dépend de l’administration royale). Ne pas réagir, c’est s’exposer aux critiques virulentes des jansénistes. Condamner un livre sorti de l’Imprimerie Royale, œuvre d’un haut fonctionnaire, c’est s’exposer au ridicule. Nous ne connaissons pas le détail des tractations secrètes qui permettent à Buffon et à la Faculté de trouver une solution honorable, mais elles ont lieu sans doute possible.

Le 12 mars 1751, Buffon affirme ainsi dans un courrier à la Faculté, n’avoir présenté ses théories « que comme une pure supposition philosophique » et s’engage à publier sa correspondance avec la Sorbonne dans les prochains volumes. Cet acte servira ainsi pendant près de 30 ans de sauf-conduit et de protection contre toute accusation officielle d’irréligion. Trente ans pendant lesquels Buffon ne cessera de republier les textes incriminés sans y changer un mot !

1739-1753. En marge de l’Histoire naturelle

Le 22 septembre 1752, Buffon épouse à 45 ans Marie-Françoise de Saint-Belin-Malain qui a tout juste 20 ans.
Elle est pensionnaire au couvent des Ursulines de Montbard, dont la mère supérieure, mère Saint-Paul, est la sœur de Buffon. En 1764 naît Georges-Louis Marie, qu’on appellera bientôt Buffonet. Buffon est admis en 1753 à l’Académie Française. Il y prononce son célèbre Discours sur le style :
« … le style est l’homme même. »

Naissance de l’anatomie comparée

Dès 1753, Buffon et Daubenton vont poser un principe d’une extrême importance pour l’histoire de la biologie et des sciences naturelles, ce que l’on appellera plus tard le principe d’unité de plan de composition.
En bref, cela signifie que les animaux, ou du moins le plus grand nombre d’entre eux, sont construits sur le même plan. Dans sa description du cheval, Daubenton montre minutieusement l’exacte ressemblance de structure entre le squelette du cheval et celui de l’homme. Dès lors, il faut conclure que, même s’ils « varient par des différences graduées à l’infini, il existe un dessein primitif et général que l’on peut suivre très loin, et dont les dégradations sont bien plus lentes que celles des figures et des autres rapports apparents ». Nous sommes ici à la naissance de l’anatomie comparée et de la morphologie qui seront des éléments essentiels du débat évolutionniste dans la première moitié du XIXe siècle.

1767. Buffon entrepreneur

Nouvellement intéressé par les problématiques liées à la propagation de la chaleur et au refroidissement, Buffon se lance, en 1767, dans une nouvelle entreprise, la construction d’une forge au village de Buffon. Les travaux seront achevés en 1770.

Le comte de Buffon

En 1771, Buffon tombe malade. S’il a demandé au roi la survivance de la charge d’Intendant pour son fils, Buffonet, celui-ci est trop jeune (7 ans alors) et ne pourra lui succéder avant ses 25 ans. Buffon doit donc se résoudre à ce que le comte d’Angivillers assure la succession jusqu’à la grande majorité de Buffonet. Mais Buffon se remet de sa maladie.
Pour récompenser l’obéissance de Buffon, le roi, par lettres patentes, porte « érection de la terre de Buffon en comté » en 1772.

Georges-Louis Leclerc devient « comte de Buffon » et accède à la noblesse. Louis XV fait plus qu’anoblir Buffon. Il décide de commander sa statue en pied et de la payer sur sa cassette personnelle. D’Angivillers la demande à Pajou, qui fait une première maquette en terre cuite. Finalement, la statue, haute de près de trois mètres, est achevée en 1776 et placée au Jardin. Elle se trouve aujourd’hui exposée dans l’un des escaliers d’honneur de la Grande Galerie de l’Évolution. C’est une statue à l’antique, où le naturaliste, à demi-nu et à demi-drapé, semble écrire les lois de la Nature sur des tables de marbre. Sur son socle, qui contenait jusqu’en 2014 le cervelet du naturaliste est écrit : Majestati Naturae par Ingenium, « Un génie égal à la majesté de la Nature ».

En 50 ans de règne, Buffon a presque doublé la superficie du Jardin et a fait de l’établissement l’un des plus important d’Europe, si ce n’est le premier.

 Conclusion

Ce qui frappe chez Buffon en définitive, c’est son attachement au réel, à ce qui se touche, se palpe. C’est le réel qu’il faut connaître. Même si le sens de la vue est le « sens de la connaissance », c’est le toucher qui nous assure de la réalité des choses. La matière est là. Morte ou vivante, minéraux ou molécules organiques, c’est elle qui compte, c’est en elle et par elle que tout se fait. La logique des abstractions mathématiques ou des classifications n’existe que dans l’esprit humain. Elle ne rend pas compte du réel. En ce sens, Buffon est profondément matérialiste. Mais il ne suffit pas de toucher le réel, d’être sûr qu’il est là. Il faut tenter de le comprendre. Mais le réel est multiple. C’est la leçon de l’Histoire Naturelle. Il faut d’abord les décrire. Cela nous vaut des centaines de pages aussi patientes, aussi techniques, aussi arides, aussi minutieuses. Pour voir en Buffon un écrivain « pompeux », le « grand phrasier » dont parlait d’Alembert avec dédain, il faut ignorer les trois quarts au moins de l’Histoire Naturelle. A part quelques ornements empruntés qui décorent les descriptions des oiseaux, il n’y a là nulle recherche de l’effet. La réalité des êtres vivants, c’est leur organisation, leur physiologie, leur comportement, tout ce qui leur permet de vivre et de se reproduire, de faire survivre leur espèce, dont l’existence même fait partie de l’ordre de la Nature.

Buffon meurt le 16 avril 1788 à Paris. Il est inhumé le 20 avril à Montbard.

Sources
ROGER J., 1989, Buffon, Fayard
SCHMITT S., CREMIERE B., Œuvres complètes, Honoré Champion
LAISSUS Y., 2007, Buffon, la nature en majesté, Découvertes Gallimard
Les oiseaux de Buffon et Martinet, 2007, Citadelles et Mazenod
Buffon, œuvres, 2007, La Pléiade

Vous pouvez télécharger ce texte en citant les crédits et sources mentionnés : Buffon, un Naturaliste au Siècle des Lumières (Lionel Markus, directeur du Musée et Parc Buffon)

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