Le château des Seigneurs de Montbard aux ducs de Bourgogne

Le château des Seigneurs de Montbard aux ducs de Bourgogne

Le site naturel

La ville de Montbard se trouve dans le Nord-Ouest du département de la Côte-d’Or, en limite de l’Auxois auquel elle appartient et du Châtillonnais (au Nord). Elle s’est installée de part et d’autre d’une rivière, la Brenne, qui prend sa source à 52 km en amont, sur le territoire de Sombernon et se jette dans l’Armançon entre Saint-Rémy et Buffon, à 6 km en aval. La rivière forme une boucle (par l’Est et le Nord) autour de la butte témoin qui culmine à 255 mètres d’altitude. Ce relief rocheux qui domine de 45 mètres les abords de la Brenne, est peut-être à l’origine du nom de « Montbard ».

Les seigneurs de Montbard et le castrum barris montis

Le premier seigneur de Montbard identifié par les textes, est Bernard, cité en 1065.
Père d’André, chevalier du Temple et grand-père de Saint Bernard, par sa fille Aleth.
C’est dans un texte daté entre 1104 et 1113, qu’est mentionné pour la première fois le château de Montbard « castrum barris montis ». S’il est bien question d’un site fortifié, les documents de cette période n’apportent aucune information descriptive concernant les bâtiments. En parallèle, un texte du début du XIIe siècle, mentionne l’existence d’une chapelle à Montbard. Il s’agit d’une dépendance du prieuré de Courtangy, confié, par l’évêque de Langres, à l’abbaye de Moutiers-Saint-Jean depuis le XIe siècle. Cette chapelle correspond à l’actuelle église Saint-Urse qui possède toujours une petite fenêtre du début XIIe siècle. En raison de cette organisation administrative religieuse, les Montbardois sont enterrés au cimetière de Courtangy, situé à environ 1,5 km, en limite de la commune voisine de Crépand.

L’acquisition par le duc de Bourgogne à la fin du XIIe siècle

S’il est aujourd’hui difficile d’identifier les vestiges architecturaux de la résidence des seigneurs de Montbard, il est possible de suivre leur généalogie jusqu’en 1189 où, André II, seigneur de Montbard, meurt sans descendance. Le domaine doit alors logiquement passer entre les mains de son frère Bernard. Mais le duc de Bourgogne Hugues III s’en porte acquéreur, sans doute en échange du domaine d’Epoisses.

Les ducs de Bourgogne sont dorénavant les seigneurs de Montbard.

La forteresse ducale du XIIIe siècle

Si le duc Hugues III, qui meurt dès 1192, est probablement à l’origine de la prise de possession de la seigneurie de Montbard, c’est Eudes III (1192-1218) qui l’introduit dans le domaine ducal. Malgré l’absence, dans les archives, de renseignements descriptifs sur les bâtiments seigneuriaux repris par le duc, l’archéologie a permis d’identifier, sur le flanc Est du site, un ensemble de constructions datables des premières décennies du XIIIe siècle.

Du site castral à la forteresse ducale

Après avoir fait l’acquisition de la seigneurie de Montbard à la fin du XIIe siècle, les ducs de Bourgogne poursuivent leur installation en achetant plusieurs propriétés proches de leur résidence. Des documents d’archives de la fin du XIIIe siècle montrent que, sur la butte rocheuse correspondant au « castrum de Montbard », la chapelle dépendant du prieuré de Courtangy et la demeure seigneuriale du duc, voisinent avec d’autres habitats, granges ou espaces cultivés. Cette démarche d’achats successifs par les ducs vise certainement à maîtriser un espace plus vaste, préalable indispensable à la reconstruction de leur château.

Une châtellenie, un châtelain et des comptes

Au sein de l’organisation du Duché de Bourgogne, Montbard apparaît comme un chef-lieu de châtellenie, subdivision territoriale à vocation militaire mais aussi administrative, gérant le domaine ducal et les affaires publiques.

Celle de Montbard étend sa juridiction sur vingt villages. Dans ce territoire, le duc possède différentes propriétés (bois, moulins, tuileries…) mais également des droits. Il fait collecter des impôts principalement en nature : céréales et vin. Pour gérer quotidiennement le domaine, le duc nomme un châtelain qui, chaque année justifie ses dépenses et recettes à la Chambre des Comptes de Dijon. Pour Montbard, les comptes de châtellenie ne débutent qu’en 1340 et s’achèvent en 1475. Ces documents relatent l’ensemble des recettes et des dépenses de la châtellenie.

A cet égard, les travaux et réparations des bâtiments ducaux sont particulièrement bien renseignés. A travers leur lecture, différentes parties du château sont ainsi mentionnées, qu’il s’agisse de la réparation du pont-levis, de la construction de cheminées ou du remplacement de la corde du puits. Sont également précisés : le nom des artisans, la liste des matériaux avec parfois leur provenance et bien-sûr le coût de ces réalisations.

La forteresse ducale du XIVe siècle

Entre les années 1300 et 1340, l’ensemble de la terrasse calcaire est réorganisée avec la construction d’un ensemble fortifié intégrant l’église Saint-Urse et formant la nouvelle résidence ducale.

La documentation médiévale et moderne permet de saisir l’organisation générale de la résidence ducale. Ces données viennent se rattacher aux vestiges encore visibles que sont la grande Tour de l’Aubespin, la Tour dite « Saint-Louis » et une grande partie des murs d’enceinte.

Ainsi, du Sud au Nord, il est possible de progresser au sein du château à travers quatre espaces successifs. L’entrée se fait au Sud, par une porte protégée par des barrières.
Le premier espace appelé « bayle » dans les textes est une sorte de cour dans laquelle se trouve l’église Saint-Urse. La nécessité pour les habitants d’avoir accès à l’église donne à cet espace intermédiaire entre le bourg et le reste du château, un caractère particulier. C’est également dans cette cour que l’on trouve le puits et que se situe le logement du capitaine châtelain en face de l’église.

Des murs coupant le site dans sa largeur Est-Ouest séparent cette première zone de la suivante qui correspond à une basse-cour où se trouvent des granges et autres écuries et quelques jardins. L’ensemble est limité au nord par un fossé sec barrant le site et marquant la limite avec le cœur du château.

On franchit ce fossé sec par un système de pont-levis placé sur le côté Est du site et associé à une tour formant la porte d’entrée vers la troisième partie de la forteresse.

Cet espace clé du château comprend, en limite Ouest, un ensemble de bâtiments directement posés sur le mur d’enceinte et formant le corps de logis ; côté Est, des grandes caves enterrées sous un jardin bordé par la chapelle castrale sous le vocable de Saint-Louis, elle-même appuyée à une tour dite des Cordeliers (actuelle Tour Saint-Louis).

Une vaste cour basse située légèrement au Nord de la Tour des Cordeliers est fermée à l’Est et à l’Ouest par les murs d’enceinte se rejoignant de part et d’autre de la Tour de l’Aubespin formant la pointe Nord du site.

Les grandes caves ou « les salles souterraines »

Cette appellation usuelle de « salles souterraines » désigne deux espaces voûtés, semi-enterrés, situés sur le côté Est du site.

La connaissance de ce secteur est le résultat de différentes opérations archéologiques réalisées entre 1993 et 2001 et plus particulièrement celles menées entre 1997 et 1999 dans le cadre de la remise en état des voûtes par les Monuments Historiques.

Au Sud, la petite cave, d’environ 5 mètres sur 5 mètres en plan, est voûtée en plein cintre. Elle était surmontée d’un rez-de-chaussée, où une porte communiquait vers la tour-porte desservant les ponts-levis.

La grande cave, au nord, de 21 mètres de longueur intérieure pour en moyenne 6 mètres de large est voûtée en demi-ogive soutenue par des arcs brisés. Ce vaste espace pouvait recevoir les productions de la châtellenie de Montbard (vins et céréales divers) en attendant que la famille ducale et sa nombreuse suite viennent en profiter durant leurs séjours.

Au-dessus de ces grandes caves, se trouvait un jardin aménagé dès l’origine et ayant nécessité la construction d’un système d’étanchéité sous forme d’une toiture de grandes dalles de pierres calcaires (laves) installée au-dessus des voûtes. Cette couverture emmenait l’eau qui s’infiltrait dans la terre du jardin vers un grand caniveau de pierre de taille débouchant sur deux évacuations. Cet aménagement de toiture enterrée identifié en fouille apparaît comme une solution originale rarement observée.

La chapelle castrale Saint-Louis

En plus de l’église Saint-Urse située dans la première cour et servant aux habitants du bourg, on trouve la mention d’une chapelle située au cœur du château. Cette chapelle castrale « de monseigneur le duc », desservie par un chapelain, apparaît dans les comptes sous le vocable de « Saint-Louis ». Si les textes ne contiennent aucune description complète des lieux, certaines mentions évoquent son décor intérieur. Les dépenses de 1344-1345 font ainsi état de l’intervention durant 1.369 journées du peintre du duc et de trois compagnons pour peindre la chapelle du château.

En 1467-1468, des maçons interviennent « en ladite chapelle où il y avoit ung grant pand de mur plain d’imaiges d’or et d’azur tout gasté de pluie ». Le sol intérieur carrelé est réparé et on fait fabriquer un coffre de chêne pour ranger « les ornements d’autel en la chapelle dudit chastel ». Elle est régulièrement située sur le côté de la « tour des Cordeliers », lorsque sa toiture de tuiles fait l’objet de nombreuses réparations au cours du XVe siècle. Cependant les données archéologiques restent limitées et seuls quelques éléments d’architecture et de sculptures trouvés en fouilles à proximité, peuvent être mis en relation avec le décor de cette architecture religieuse.

Le corps de logis

Le corps de logis du château peut être localisé sur le côté Ouest du site, une fois franchi le fossé. Il se développait sur au moins trois niveaux.

Seules subsistent aujourd’hui quatre fenêtres murées sur le mur d’enceinte Ouest. Deux d’entre-elles, mises au jour lors d’un sondage archéologique, présentent un modèle d’ouverture quadrangulaire, à embrasure voûtée en plein cintre et à double coussiège. On retrouve exactement le même modèle au niveau inférieur de la Tour Saint-Louis et de la Tour de l’Aubespin. Cette répétition du même type de fenêtre montre l’homogénéité de la construction de la forteresse, réalisée entre 1300 et 1340.

La cour basse et la Tour de l’Aubespin

La partie Nord de la forteresse se distingue nettement de la partie résidentielle. Au niveau de la Tour des Cordeliers, un mur de séparation coupe le site dans sa largeur et marque le bord Sud d’une grande cour située à plus de 8 mètres en contrebas des bâtiments principaux. Ses autres côtés sont fermés par les murailles de la forteresse avec en pointe au Nord, la Tour de l’Aubespin. L’accès à cette cour basse se fait depuis l’extérieur par des poternes aménagées au pied de la muraille. L’une de ces poternes est encore en fonction au pied de la Tour de l’Aubespin, l’autre, dans le rempart Ouest, est murée et en mauvais état.

Le mur d’enceinte à bossage présente ses plus grandes élévations, de part et d’autre de la Tour de l’Aubespin. Sa hauteur actuelle de 8,50 mètres minimum, atteint alors 10 à 12 mètres, pour une largeur de 1,80 mètres en partie haute. Près de la porte Sud de la tour, il atteint même 14,50 mètres de haut. Il était couronné de créneaux couverts de pierre de taille.

Pour monter sur les murs, les comptes mentionnent des échelles doubles en bois, permettant certainement d’accéder au chemin de ronde protégé par le crénelage. Car si le mur d’enceinte est une barrière par rapport à l’extérieur, il est également un moyen de communication à l’intérieur du château.

Ainsi, les portes du premier étage de la Tour de l’Aubespin s’ouvrent au niveau du chemin de ronde, alors que l’accès au rez-de-chaussée se fait uniquement depuis la cour basse.

La Tour de l’Aubespin est le vestige le plus important du château médiéval de Montbard. On trouve cette appellation de « Tour de l’Aubespin » dans un document d’archive dès 1354. Elle est située à la pointe Nord du site qu’elle domine du haut de ses 46 mètres. Cette tour à six pans est composée de quatre niveaux et se termine par une terrasse. Sa construction est probablement réalisée entre 1300 et 1340, au moment de la reconstruction de l’ensemble de la forteresse par les ducs de Bourgogne.

A la base, un petit cellier voûté, aménagé dans le rocher sur lequel reposent les fondations du bâtiment, communique par une petite trappe carrée avec
le rez- de-chaussée.

Au rez-de-chaussée, deux fenêtres présentent un modèle d’ouverture quadrangulaire, à embrasure voûtée en plein cintre et à double coussiège, identique aux fenêtres du niveau inférieur de la Tour Saint-Louis et du corps de logis. Ce même type de fenêtre montre ici encore l’homogénéité de la construction. Une petite construction en appui sur le côté Nord-Est de cette salle abrite une fosse maçonnée interprétée comme latrines.

La communication avec les deux étages supérieurs se fait par des escaliers en pierre construits dans l’épaisseur des murs de la tour. Chaque salle dispose de deux fenêtres à coussiège. Des placards muraux aménagés dans la maçonnerie complètent l’agencement des deuxième et troisième étages. On y note l’absence de cheminée. L’accès à la terrasse se fait par un escalier en vis surmonté d’une petite tourelle.

Dès le XVe siècle cette terrasse de dalles de pierre fait l’objet de plusieurs réparations destinées à maintenir son étanchéité. Entre 1406 et 1408, on remplace plusieurs dalles de pierre que l’on pose à l’aide d’un « simant » composé de tuiles battues, de chaux et d’huile ; et en 1464, on refait le « creneaul et la vix » de la terrasse.

La fonction de cette grande tour est en partie symbolique et inscrit nettement dans le paysage la présence du pouvoir seigneurial. Il s’agit essentiellement d’un point d’observation dominant le territoire environnant et plus particulièrement
les routes de Dijon, Châtillon, Semur, Tonnerre qui se rencontrent à Montbard
au niveau du pont sur la Brenne.

Une canonnière du XVe siècle

Une canonnière a été mise au jour sur le flanc Est du site.

Il s’agit d’une ouverture de tir pour arme à feu formée d’une embrasure triangulaire s’achevant par une fente de tir verticale, complétée par un orifice circulaire, ouvrant dans le parement extérieur du mur.
Cette canonnière permet de faire feu dans la pente sur le côté Est du site, c’est-à-dire en dehors du bourg, en direction de la Brenne.

La forme de cette canonnière et ses dimensions la situe chronologiquement autour du dernier quart du XVe siècle. Il semble que l’on puisse associer la transformation de cette partie de la muraille du château à une mention de construction de « canonnières » inscrite dans le compte de la châtellenie de Montbard de l’année 1474-1475. Il s’agit d’une modernisation du système défensif du château permettant d’utiliser un nouveau type d’armement qu’est l’artillerie à poudre. Cette canonnière pouvait probablement être équipée d’une pièce de type couleuvrine.

Ces travaux de modernisation du système de défense de la forteresse ducale sont réalisés au moment où le duc de Bourgogne s’oppose au roi de France Louis XI. Cette lutte s’achève en 1477 avec la mort du duc Charles le Téméraire avec pour conséquence le rattachement du duché et donc de Montbard au royaume de France.

Le château royal de Montbard du XVIe au XVIIIe siècle

Dès 1478, le roi de France Louis XI donne le château de Montbard et ses dépendances à Philippe de Hocberg, pour le dédommager de ses seigneuries confisquées par Marie de Bourgogne. Charles VIII confirme cette décision en 1484. En 1504, Jeanne d’Hocberg, fille unique de Philippe, se marie avec Louis d’Orléans, duc de Longueville et en 1554, Montbard passe dans la maison des Nemours.

Ce nouveau système d’administration du domaine royal, voit la fin des comptes de châtellenie dans les archives. Il n’est plus possible de connaître les réparations ou les éventuelles transformations touchant les bâtiments du château.

Il faut attendre 1687 et la mise en adjudication d’une partie du domaine de Montbard pour avoir une rapide description des lieux.

C’est le sieur Lorin, curé de Montbard, qui se présente comme le plus haut enchérisseur. Moyennant un cens de 32 livres par an, il obtient la jouissance d’une partie des propriétés. Il apparaît alors que le château, peu utilisé, est déjà en partie en ruine, les bâtiments n’étant visiblement pas particulièrement entretenus.

Peu après, en 1718, c’est Benjamin François Leclerc (le père de Buffon) qui devient le détenteur des petits domaines de la châtellenie de Montbard. Il est alors seigneur engagiste de Montbard, excepté la justice et le château, pour la somme de 13000 livres.

« Le château de Montbard entouré de murailles consistant en une basse cour dans laquelle il y a un petit corps de logis, une grande escurie voûtée, un grenier dessus, une grange, une autre cour appelée le Donjon avec deux corps de logis dont l’un est ruiné, et l’autre consiste en une cuisine voûtée, une chambre sans cheminée, un escalier et une galerie presque ruinée, trois chambres hautes et deux cabinets au second estage, une petite tour appelée l’Haubepin contenant trois chambres l’une sur l’autre, en entrant dans led. Donjon il y a un pont levis, et ensuite deux petits jardins avec une petite escurie ecaetera. » * Copie du titre de l’aliénation des batimens, jardins, ecurie, colombier etc. du chateau de Montbard, faite au Sr. Lorin curé dudit lieu le 3 juillet 1688, moyennant un cens de 32 lt. par an (C 2576, liasse).

Sources

Textes écrits dans le cadre du projet de visite virtuelle du Parc Buffon par Emmanuel LABORIER, archéologue INRAP Bourgogne-Franche-Comté et Lionel MARKUS, directeur du Musée et Parc Buffon, à partir des études historiques réalisées dans le cadre du schéma directeur de réaménagement du Parc Buffon « Etude historique et archéologique.
Anne Allimant-Verdillon, septembre 2016 » (archives du Musée et Parc Buffon).

Pour en savoir plus, consultez la visite virtuelle : le Parc Buffon, architecture du temps et de la nature, en consultation sur la borne numérique située dans le hall du musée et sur notre site.

Bonne visite !

Lecture critique de l’iconographie liée au château par Emmanuel Laborier, archéologue Inrap Bourgogne-Franche-Comté

Montbard, de la butte témoin calcaire au Parc Buffon du XVIIIe siècle, en passant par le château médiéval des ducs de Bourgogne
La première représentation figurée connue du château de Montbard apparait sur un dessin daté de 1609 et réalisé par Joachim Duviert (1580 ? -1648).

Il s’agit de la représentation de l’ensemble de la ville de Montbard, vue depuis le Nord-Est. Sur la gauche, se distingue le grand faubourg, séparé par la rivière du bourg qui s’élève vers le château, lui-même installé sur la  hauteur  et  nettement  séparé  de  la  ville.  Cette  vue  permet  de  retrouver les différentes parties constituant le château. A l’extrémité du site, on identifie la tour de l’Aubespin séparée par une portion de muraille du cœur de la forteresse fortement bâtie.
Après une nouvelle section de mur sur lequel semble s’accrocher l’enceinte du bourg, on trouve quelques bâtiments associés à une église correspondant à Saint-Urse. L’ensemble se prolonge encore par de nouveaux murs et quelques rares bâtiments figurant probablement le « bayle » et les portes extérieures du château.

Ce document à la plume, qui porte pour titre « La ville de Montbart, 1609 » fait partie d’un ensemble de dessins de villes réalisés par Duviert, actuellement conservés au cabinet des estampes de la Bibliothèque Nationale. Ce dessin a été publié par Ernest Petit dans le volume 4 de son : Histoire des ducs de Bourgogne de la race capétienne, avec des documents inédits et des pièces justificatives, en 9 volumes, imprimés entre 1885-1905.

Il semblerait que Duviert ait réalisé ses dessins au cours de voyages. Il s’agit donc d’une représentation d’après nature. Son intérêt pour les villes et leurs fortifications a même fait dire que son activité pouvait s’apparenter à une forme d’espionnage militaire. Il est vrai que la topographie et l’organisation des principaux bâtiments de la ville (églises, château, enceinte) sont particulièrement bien représentées. Par contre la figuration des habitations parait plus schématique.

La deuxième représentation connue de Montbard se décompose en deux gravures d’Israël Silvestre (1621-1691). Il s’agit d’une part de « Veuë de la ville de Montbar en Bourgogne » représentant une partie de la ville, l’entrée du château et l’église Saint-Urse, vues de l’Ouest et d’autre part de « Montbar » montrant la moitié Nord du château vu de l’Est. A l’origine, ces deux gravures appartenaient à une suite de douze pièces titrées « Divers paysages sur le naturel de la Duché de Bourgogne, faits par Israël Silvestre.1650. Avec privilège du Roy. ». Israël Silvestre est à la fois un dessinateur et un graveur qui voyage beaucoup en France mais aussi en Italie et en Angleterre. Formé par son oncle Israël Henriet, il est très productif et deviendra dessinateur et graveur du roi Louis XIV.

Ces deux vues de Montbard vont connaitre une diffusion à travers des ouvrages imprimés qui réutilisent le travail de Silvestre. Dès 1656, Caspar Mérian les fait figurer dans le quatrième volume de sa « Topographiae Galliae: sive descriptiones et deli- neationis famosissimorum locorum in potentissimo regno Galliae pars IIII : Burgundiae et provinciarum Bresse, Nivernois et Dombes, principaliora et notiora oppida ac loca continens, », publiée à Francfort. Dans le texte sur Montbard qui les accompagne, il est question d’Israël Silvestre. On retrouve donc la vue du « Chasteau de Montbar en Bourgogne » et celle de « Montbar ».
Concernant Montbard, on remarque que l’orientation (Nord-Sud) du château est inversée par rapport à la réalité. Cette erreur est à mettre en relation avec la technique utilisée de la gravure sur cuivre qui nécessitait une inversion du motif pour obtenir un tirage bien orienté, ce qui visiblement n’a pas été le cas pour le château de Montbard.

Mais une nouvelle édition reprenant ces deux vues intervient dès 1666 dans un ouvrage imprimé à Anvers par Michiel Cnobbaert et intitulé « Fransche Merkurius, of bondige beschrijving van geheelVrankrijk, en desselfs landtschappen, steden, kastelen, en gedenkwaardigste plaatzen ». Cette fois les gravures sont en parties modifiées. La vue du château est recoupée dans la hauteur et porte un titre en hollandais « Het slot van Montbar In Burgondien ». Elle se trouve en dessous d’une vue de l’église de l’abbaye de Flavigny qui faisait partie de la série originale de Silvestre.

La vue de la ville a gardé son titre de « Montbar », mais a été visiblement gravée à nouveau. En plus du manque de détail dans la représentation des constructions, le premier plan a été modifié, un arbuste a été ajouté, près de l’angle inférieur droit. Pour le château, il est difficile de savoir si ces différentes éditions réutilisent le cuivre d’origine ou si chaque retirage a nécessité la fabrication d’un nouveau support. Dans tous les cas l’orientation du monument n’a pas été rectifiée. Les autres représentations connues de Montbard avant Buffon, ne correspondent pas à des œuvres originales ou bien documentées.

 Il existe une autre gravure représentant le château, très proche de celle d’Israël Silvestre avec une différence notoire dans la représentation du couronnement de la tour de l’Aubespin. Sur ce document les gargouilles de la terrasse supérieure de la tour correspondent à celles encore visibles aujourd’hui. Ces détails architecturaux n’apparaissent pas sur les représentations précédentes. Si la date exacte d’édition et la source de ce document ne sont pas connues, la légende « Vue du château de Montbard lorsque Buffon en devint propriétaire » conduit à le dater au plus tôt à partir du XVIIIe siècle, sans plus de précision.

En 1881, dans son édition des Mémoires pour servir à l’histoire de la ville de Montbard d’après le manuscrit inédit de Jean Nadault, Henri Nadault de Buffon publie un dessin représentant Montbard en 1642 d’après une peinture du temps, disparue. Cette image semble extrapoler des éléments plus discrètement figurés sur les gravures anciennes. Ainsi, les arcs joignant les contreforts des salles souterraines deviennent une porte desservie par un chemin reliant le bourg et le château. D’une manière générale cette représentation manque de précision concernant le château.

Dans le même ouvrage de Nadault, on trouve une illustration qui a pour titre : « Le vray pourtraict du chasteau de Montbar en Bourgogne au 15e siècle ». Sous ce titre en ancien français, se cache une restitution imaginée au XIXe siècle, bien après la démolition du château. Le choix d’une vue en plongée montre une sorte d’éclaté du site qui ne respecte pas la réalité du plan topographique.
Le tracé de la muraille n’est pas respecté. De même l’emplacement des bâtiments au milieu d’une sorte de cour ne tient pas compte des réalités des vestiges, pourtant encore visibles après la création du parc. On retrouve également l’erreur de la figure précédente avec la représentation d’une porte au pied de la chapelle Saint-Louis. Ce dessin est même en contradiction avec le texte écrit au XVIIIe siècle au moment de la démolition du château. Ainsi, la cour basse à l’extrémité Nord en avant de la tour de l’Aubespin est clairement présentée dans le texte mais n’est pas restituée dans le dessin. Dans la liste des éléments manquants, on peut aussi noter l’absence du fossé intérieur et du pont-levis.

A côté de cette vraie fausse vue médiévale du château, le XIXe siècle va multiplier les illustrations reprenant les gravures du XVIIe siècle pour évoquer le château disparu. Dans le même temps, vont apparaître des représentations du Parc Buffon, où seule la tour de l’Aubespin évoque encore le château médiéval.

 

Plan du Parc Buffon réalisé par Emmanuel Laborier Inrap Bourgogne-Franche-Comté

Dessins aquarellés de Jérémy Soheylian

Représentations du château de Montbard